Etape finale de la fabrication des pièces industrielles, les opérations de parachèvement ont longtemps été le parent pauvre des investissements d’automatisation particulièrement dans le cas de petites et moyennes séries où l’agilité est nécessaire. En corolaire, la pénibilité de ces métiers détourne un nombre croissant de techniciens et les difficultés de recrutement s’aggravent. C’est pour répondre à cette problématique qu’est née PolyFlyx. Cofondée par Régis BIGOT et Cyrille BAUDOIN, enseignants chercheurs au Laboratoire de Conception Fabrication Commande du campus de Metz et soutenue par le Carnot ARTS, la startup développe une solution d’automatisation innovante et respectueuse de la place des opérateurs.
Une aventure entrepreneuriale exemplaire qui témoignage de la puissance de mobilisation du Carnot ARTS autour de l’innovation industrielle…
Un trio fondateur solide et complémentaire
À l’origine de PolyFlyx, trois hommes clés : Régis BIGOT, Cyrille BAUDOUIN, enseignants-chercheurs sur le campus de Metz, et Etienne CALLAIS, industriel chevronné. Ensemble, ils ont mené plus de 70 projets d’innovation au cours des vingt dernières années…
« PolyFlyx, c’est avant tout une aventure humaine. Avec Cyrille et Etienne, on a une histoire industrielle commune », confie Régis BIGOT. Le chercheur Carnot ARTS souligne la force du lien tissé au fil du temps, forgé dans les succès mais aussi dans les épreuves : « Nous avons traversé des moments difficiles, comme un incendie sur un site industriel. Cela a renforcé notre solidarité et notre esprit d’équipe. »
Etienne CALLAIS, désormais directeur de PolyFlyx, ajoute avec malice : « On a conduit tant de projets qu’on a pris l’habitude de rêver ensemble. » … Et quand les ingénieurs se mettent à rêver, on passe vite de l’imagination à l’innovation.
À la croisée des expertises scientifiques et du besoin industriel
Regis BIGOT revient sur la genèse du projet, à la croisée des expertises scientifiques issues des laboratoires Carnot ARTS et des besoins industriels.
« Une de nos expertises, en tant que chercheurs du LCFC, est la digitalisation des procédés appliquée à la transformation des métaux. Cela fait des années que l’on travaille avec des industriels sur le sujet. Et souvent, au fond des ateliers, on trouve ce métier de parachèvement qui reste extrêmement manuel, très pénible, parfois dangereux, et pour lequel il est de plus en plus difficile de recruter. On s’est dit : comment peut-on faciliter le travail de ces opérateurs et opératrices en intégrant les technologies numériques ?»
Confier les tâches pénibles à la machine et préserver la valeur ajoutée de l’opérateur
« Notre cahier des charges de départ, c’était de supprimer la pénibilité des tâches, tout en laissant la main à l’opérateur » énonce Etienne CALLAIS.
L’outil est facile d’accès : l’interface se fait sur une tablette tactile qui permet de visualiser la pièce en réalité augmentée et de saisir grâce au développement d’algorithmes, les indications de l’opérateur. Ce dernier conserve la valeur ajoutée de son travail puisque c’est lui qui repère les défauts éventuels. Par contre, il n’a plus à réaliser manuellement les finitions : il sélectionne les zones de la pièce à traiter sur la tablette et pilote, à travers de nouvelles approches mathématiques, les opérations de parachèvement qui sont alors réalisées par un système mécanique, un robot par exemple. Le directeur de la startup résume « On conserve ce qui fait l’intelligence et l’agilité du travail : la compréhension et le diagnostic de la pièce mais on en finit avec les semaines entières de meulage manuel dans la poussière, qui génèrent troubles musculosquelettiques et maladies respiratoires ».
Pour réussir, l’innovation devra être acceptée sur le terrain. « Nous sommes conscients que l’acceptabilité technologique est cruciale. Et jusqu’ici, tous les retours des opérateurs sont très positifs », se réjouit Régis BIGOT.
PolyFlyx répond aussi à des enjeux de traçabilité : la solution permet de récupérer des données précises sur les défauts en fin de ligne et de créer de nouvelles boucles de rétroaction. « Cela va améliorer significativement le process global », assure Etienne Callais.
Les briques technologiques Carnot ARTS au cœur d’un écosystème d’innovation
Derrière cette innovation, un ensemble de briques technologiques complexes (programmation par IA, deep learning, réalité augmentée) développées en lien avec le LAMPA (Institut de LAVAL) et le LCFC. Le projet ANR PARABOT, porté par le Carnot ARTS, fédère industriels et chercheurs autour de cette dynamique.
« Un véritable écosystème d’innovation s’est structuré autour de la startup », explique Régis BIGOT, qui insiste sur l’implication de tous les acteurs Arts et Métiers / Carnot ARTS : laboratoire LCFC, direction du campus de Metz, DGRI, AMVALOR…» même les collègues d’Aix-en-Provence participent au suivi d’une des thèses liées au projet », se réjouit le chercheur-entrepreneur. Convaincus eux aussi du fort potentiel de la startup, les pouvoirs publics lui apportent une caution précieuse, ainsi qu’un soutien financier significatif : 180 k€ pour la seule Région Grand Est, 90 k€ de subvention de la BPI, auxquels s’ajoute un prêt de 200 k€.

Stéphane DESMAISON, Régis BIGOT et Etienne CALLAIS présentent POLYFLYX sur le salon Global Industrie 2025
AMVALOR : un actionnaire stratégique
Pivot de cette mobilisation exceptionnelle des ressources des Arts et Métiers, AMVALOR, qui porte et gère le label Carnot ARTS, intervient ici dans le cadre de sa mission d’opérateur d’innovation du groupe.
Stéphane DESMAISON, directeur de la filiale de valorisation, explique « Accompagner l’innovation est un axe stratégique du Carnot ARTS. Le projet PolyFlyx coche véritablement toutes les cases : spin-off issue d’un laboratoire, fondée sur une propriété intellectuelle commune et un brevet dont Arts et Métiers est co-inventeur. Deux enseignants chercheurs sont directement impliqués dans l’entreprise. Enfin, c’est un projet technologique industriel, on est vraiment dans l’ADN Carnot ARTS »
C’est ainsi qu’AMVALOR est entrée au capital de la startup, à hauteur de 25% des parts. « Si nous n’avions pas soutenu le projet, nous serions passés à côté de notre mission. », tranche Stéphane DESMAISON.
Rompu à l’analyse des business plans et à l’accompagnement des startups, le Directeur d’AMVALOR a immédiatement repéré les atouts de PolyFlyx. « Beaucoup de projets s’appuient sur de belles innovations technologiques. Malheureusement, les porteurs de projets sont souvent le point faible. Ici, au contraire, c’est l’atout majeur. Avec Etienne, Régis et Cyrille à la barre, on est face à une équipe de personnes extrêmement compétentes et crédibles ».
L’impact sociétal du projet qui vise la réduction des troubles musculosquelettiques et de la pénibilité pour les opérateurs a également pesé dans la décision d’investissement d’AMVALOR : « Nous privilégions toujours les projets à impact positif, sur l’environnement mais aussi sur la santé. », rappelle Stéphane DESMAISON.
Pour Etienne CALLAIS, l’entrée au capital d’AMVALOR revêt une importance stratégique : « C’est plus qu’un simple apport financier. C’est un marqueur de confiance fort et un apport de compétences supplémentaires car je sais qu’ici, il y a de la matière grise mobilisable. »
Le parcours permettant à des enseignant chercheurs de fonder une startup n’est pas forcement simple. Comme le rappelle Regis BIGOT, « nous sommes des fonctionnaires et il y a certains verrous règlementaires à lever. ».
« Dans ces cas- là, se félicite Etienne CALLAIS, c’est une vraie chance de pouvoir compter sur Stéphane et le Carnot ARTS. Ils savent toujours lever les obstacles et trouver des solutions. »
Un « cadeau » pour les industriels
Une étude de marché réalisée en 2023 a confirmé l’intérêt industriel. « Un des industriels interrogés a dit que c’était comme recevoir un cadeau du Père Noël », s’amuse Etienne CALLAIS.
« Le marché potentiel a été parfaitement cerné et nous sommes convaincus par les perspectives commerciales. Sur ce projet, tous les voyants sont au vert », s’enthousiasme Stéphane DESMAISON.
PolyFlyx travaille d’ailleurs avec plusieurs entreprises pilotes pour affiner son offre et accélérer l’industrialisation. « Cela nous permet un cycle itératif très rapide entre les besoins du terrain et notre solution », assure Etienne CALLAIS.
Le pari de l’innovation continue
Officiellement lancée l’année dernière, la startup compte désormais six salariés, dont deux doctorants. « Ces jeunes chercheurs partagent notre ambition : développer des briques technologiques à forte valeur scientifique », témoigne Régis BIGOT.
« D’ici l’an prochain, nous aurons les briques technologiques complètes à proposer au marché », promet Etienne CALLAIS.
Mais pour cette belle équipe, pleine de ressources, ce premier lancement de produit ne sera que le commencement de l’histoire qu’ils ont envie d’écrire ensemble.